Psychologue remboursé : pourquoi je suis contre le dispositif MonPsy

Depuis quelques mois, l’Etat a décidé de rembourser les séances chez le psychologue. A première vue, cela paraît être une grande avancée ! En effet, après deux années de Covid et une politique sanitaire ayant malmenée la santé mentale des français, cette idée semble être plus qu’opportun. Et pourtant, ce dispositif n’est pas aussi avantageux qu’il en paraît. Et pour cause, il malmènerait encore plus la l’accès aux soins, le suivi ainsi que le métier de Psychologue. Dans cet article, je vous expliquerai point par point pourquoi le dispositif MonPsy n’est pas la recette miracle aux problématiques liées à la santé mentale, au contraire.

MonPsy : qu’est-ce-que c’est ?

Lancée en avril 2022 par Emmanuel Macron, le programme promet 8 séances remboursés par an. Ces séances sont prescrites par le médecin. Et pour obtenir cette ordonnance, il faut répondre à certains critères :

Pour les enfants et adolescents :

• dès 3 ans pour les enfants et les adolescents
• présentant une situation de mal-être ou souffrance psychique d’intensité légère à modérée, qui a pu susciter l’inquiétude de l’entourage (famille, milieu scolaire, médecin, etc).

Pour les adultes :

• souffrir de troubles d’intensité légère à modérée tel :
  • un trouble anxieux
  • un trouble dépressif
  • un usage lié à l’usage de tabac, d’alcool ou de cannabis (hors dépendance)
  • un trouble du comportement alimentaire (sans critères de gravité).

Fonctionnement du dispositif MonPsy

Si vous remplissez les critères, vous obtenez le sésame des 8 séances remboursés. Mais le chemin est encore long ! Il vous faut :

• Un courrier d’adressage à présenter au psychologue donné par votre médecin.
• Une première séance qui est un entretien d’évaluation chez le psychologue (40€ la séance, que vous avancez) qui dure 45 minutes
• Puis, 1 à 7 séances de suivi psychologique (30€ par séance) qui dure 30 minutes.

Et c’est déjà fini.

Pourquoi le dispositif MonPsy n’est pas avantageux pour le patient

Si le dispositif paraît avantageux pour le patient, il ne l’est pas réellement et pour plusieurs raisons.

La prescription des séances de psychologie par le médecin généraliste

Rien qu’ici, nous pouvons déjà adresser certaines remarques : comment se fait-il qu’un médecin généraliste soit à même de reconnaître ces troubles ? Un psychiatre aurait été plus à même de reconnaître les symptômes associés, puisque spécialisé dans les pathologies psychiatriques. A l’inverse, le généraliste n’est pas suffisamment qualifié pour interpréter le discours et diagnostiquer ces troubles. Il aurait fallu que ce dernier suive une formation sur ces troubles pour mieux les repérer ou qu’il collabore avec un psychiatre. Par ailleurs, ce passage obligatoire chez le médecin généraliste encombre davantage l’emploi du temps de ces derniers. Quand on sait que la plupart sont débordés et ont déjà du mal à recevoir leurs patients dans de bonnes conditions, je ne vois pas l’intérêt de les surcharger avec ce nouveau dispositif…

                                                 Photo by Usman Yousaf on Unsplash

MonPsy : uniquement pour les troubles légers à modérés, quid des troubles sévères ?

Par ailleurs, le dispositif ne couvre que les troubles d’intensité légère à modéré, donc les troubles sévères ne sont pas pris en compte et n’ont pas la même possibilité d’accès aux soins remboursés ? Cela n’a pas de sens. Et puis, comment le médecin détermine la frontière entre un trouble anxieux modéré et sévère ?

Enfin, je rappelle que dire un trouble du comportement alimentaire sans gravité n’existe pas. Les TCA sont toujours avec gravité, notamment quand on connaît la liste des effets secondaires et graves pour l’anorexie ou la boulimie : problèmes cardiaques, perturbation menstruelle, troubles hydroélectrolytiques, symptômes digestifs hauts et bas, complications dentaires, manifestations hématologiques (anémie, leucopénie et thrombopénie), risque d’infections plus important, des perturbations neurologiques, des troubles métaboliques du cholestérol et du glucose, mais également uneperte des cheveux, des problèmes rénaux et hépatiques… Et la liste est encore longue !

Le nombre et la durée des consultations de psychologie

8 séances remboursés par an. Voilà ce à quoi vous avez accès pour améliorer votre santé mentale. Oui, c’est mieux que rien, mais non ce n’est pas adéquat. Pourquoi ? C’est le médecin généraliste qui prévoit et adapte le nombre de séances. S’il décrète que 3 suffissent, vous ne pourrez pas en faire plus. Si vous en obtenez 8, la première sera consacrée à une évaluation et durera 45 minutes. Les suivantes dureront 30 minutes.  Cela représente 4 heures pour votre santé mentale au total. Voilà ce que ça représente :

• 1/2 journée d’école
• 1 vol Paris / Athènes
• 2 cours d’amphithéâtre de 2 heures…

C’est le nombre d’heure accordé à votre santé mentale par an, et encore, si vous rentrez dans les critères !

Pourquoi les Psychologues sont contre ce dispositif ?

Vous l’avez vu, les Psychologues ont énormément manifesté contre ce dispositif. Sur les Réseaux Sociaux, beaucoup ont pris la parole pour dénoncer la précarité dans lequel ce dispositif les met. Quelles sont les raisons exactes ?

     Post Instagram de Manifeste Psy

Une mise sous tutelle par le médecin généraliste

Permettre l’accès aux soins via le médecin généraliste revient à dire que ces derniers sont accessibles seulement grâce à eux. Jusqu’à présent, il n’y avait aucun adressage obligatoire pour consulter un psychologue, et ce conditionnement ne permet pas au psychologue d’exercer correctement son métier. Comme évoqué au-dessus, le psychologue est le professionnel le plus à même de juger la sévérité d’un trouble ou encore la durée d’une thérapie (qui souvent, ne peut être déterminée ! On ne parle pas de 3 dolipranes et ça repart !).

Si vous souhaitez en savoir plus sur les différences entre ces différents métiers, cliquez ici.

La durée des consultation de Psychologie

Comme nous l’avons vu au-dessus, les séances durent 30 minutes. Entre le moment où le patient s’installe (5 minutes), commence à s’investir dans la thérapie (20 minutes), nous sommes déjà à 25 minutes. Comptez encore 5 minutes pour les recommandations du psychologue et il est déjà temps de prendre la carte vitale et le papier de sécu. Super non ? Concrètement, il n’est pas possible de faire des séances de 30 minutes, surtout si celles-ci sont limitées. Cela ne permet pas de faire du bon travail, ni de venir en aide aux patients, alors que c’est quand même notre métier…

Le nombre de séances : 8 par an et non renouvelable

Lorsqu’on a un rhume, le traitement est défini dans le temps. Pour la psychothérapie, c’est différent : on ne peut pas garantir des résultats au bout de X temps. C’est tout simplement mentir que de dire qu’en 8 séances, tout ira mieux. Alors comment fait-on lorsque l’alliance thérapeutique s’est faite avec le patient, mais que la prescription est terminée ? Ce sont donc l’éthique et la déontologie, pilier de la profession du psychologue, qui sont mis à mal à travers ce dispositif. Il n’est pas possible de relâcher un patient au milieu d’une psychothérapie pour la simple et unique raison que son nombre de séance est écoulée. Enfin, les causes amenant à consulter un psychologue sont bien plus vastes que celles comprises dans le dispositif.

Un tarif entraînant la précarité des Psychologues

Le tarif est des consultations actuellement proposé par le dispositif MonPsy est de 45€ pour la 1ère séance d’évaluation et de 30€ pour les autres consultations. Aucun psychologue ne pratique ses tarifs en libérale. La raison est simple : entre les charges sociales, les impôts, les charges de locations d’un cabinet, l’électricité, l’agenda en ligne, la supervision… Il ne reste plus rien à la fin. Votre psychologue fait en sorte de vous recevoir dans les meilleures conditions en :

• se formant à de nouveaux outils afin de vous accompagner au mieux
• en étant en supervision (être suivi par un psychologue pour améliorer sa pratique)
• en vous recevant dans un lieu agréable : le cabinet…

Et toutes ces choses ont un coût. Et ça, le dispositif MonPsy ne permet pas de les financer. 

Enfin, le psychologue n’a pas le droit aux dépassements d’honoraires, contrairement aux médecins conventionnés secteur 2. Ce dispositif ne permet pas d’exercer son métier correctement, ni même de vivre dans de bonnes conditions.

Voilà les raisons qui font que j’ai décidé de ne pas adhérer à ce dispositif : pour mes patients et mon métier.